Poème de Joachim du Bellay

La nuit m’est courte, et le jour trop me dure,

Je fuis l’amour, et le suis à la trace,

Cruel me suis, et requiers votre grâce,

Je prends plaisir au tourment que j’endure.

Je vois mon bien et mon mal je procure,

Désir m’enflamme, et crainte me rend grâce,

Je veux courir, et jamais ne déplace,

L’obscur m’est clair, et la lumière obscure.

Vôtre je suis, et ne puis être mien,

Mon corps est libre, et d’un étroit lien

Je sens mon cœur en prison retenu.

Obtenir veux, et ne puis requérir,

Ainsi me blesse, et ne veut guérir

Ce vieil enfant, aveugle archer, et nu.

(l’Olive)


Joachim du Bellay (1522-1560)

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