Poème de Emile Verhaeren

Lorsque tu fermeras mes yeux à la lumière,

Baise-les longuement, car ils t’auront donné

Tout ce qui peut tenir d’amour passionné

Dans le dernier regard de leur ferveur dernière.

Sous l’immobile éclat du funèbre flambeau,

Penche vers leur adieu ton triste et beau visage

Pour que s’imprime et dure en eux la seule image

Qu’ils garderont dans leur tombeau.

Et que je sente, avant que le cercueil se cloue,

Sur le lit pur et blanc se rejoindre nos mains

Et que près de mon front sur les pâles coussins,

Une suprême fois se repose ta joue.

Et qu’après je m’en aille au loin avec mon cœur

Qui te conservera une flamme si forte

Que même à travers la terre compacte et morte

Les autres morts sentiront ton ardeur !


Emile Verhaeren (1835 -1916)

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