On voit toujours par les yeux de son affection

On voit toujours par les yeux de son affection.

Et fùt-il plus parfait que la perfection,
L’homme voit par les yeux de son affection.

(Régnier, Sat. v.)

L’historiette suivante, empruntée à Helvétius, qui l’a empruntée à un vieux conteur, servira de commentaire à ce proverbe. — Un bon curé et une dame galante se trouvaient dans un observatoire. Ils avaient ouï dire que la lune était habitée, et, le télescope en main, tous les deux tâchaient d’en reconnaître les habitants. Si je ne me trompe, dit d’abord la dame, j’aperçois deux ombres. Elles s’inclinent l’une vers l’autre. Je n’en doute point, ce sont deux amants heureux. — Eh ! non, madame, s’écria le curé, les deux amants que vous croyez voir sont les clochers d’une cathédrale. — Ce conte est notre histoire. Nous n’apercevons le plus souvent dans les choses que ce que nous désirons y trouver. Sur la terre, comme dans la lune, des passions différentes nous font toujours voir ou des amants ou des clochers.

Montesquieu a dit, dans une de ses lettres à l’abbé de Guasco, pour marquer cette disposition de l’esprit qui nous entraîne continuellement vers les objets avec lesquels l’usage nous a familiarisés, qui fait de nos idées et de nos paroles des échos de nos préoccupations habituelles : « Le curé voit en songe son clocher et la servante y voit sa culotte. »

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  1. dalila

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