On fait l’amour, et quand l’amour est fait, c’est une autre paire de manches.
Tout le monde comprend ce que signifie ce proverbe, dont la dernière partie, devenue une locution à part, est continuellement répétée; il rappelle un usage pratiqué au douzième siècle par des individus de sexe différent qui voulaient former ensemble un tendre engagement. Ils échangeaient une paire de manches comme gage du don mutuel qu’ils se faisaient de leur cœur et ils se les passaient aux bras en promettant de n’avoir pas désormais de plus chère parure, ainsi qu’on le voit dans une nouvelle du troubadour Vidal de Besaudun, où il est parlé de deux amants qui se jurèrent de porter manches et anneaux l’un lié à l’autre. Ces enseignes ou livrées d’amour, destinées à être le signe de la fidélité, devinrent presqu’en même temps celui de l’infidélité; car Imites les fois qu’on changeait d’amour on changeait aussi de manches, et il arrivait même assez souvent que celles qu’on avait prises la veille étaient mises nu rebut le lendemain. Vainement un autre proverbe recommandait de respecter cette sorte d’investiture d’amour par la manche en disant : la manche, ce n’est pas un badinage, car c’est un signal d’amourette. Comme une pareille recommandation n’avait aucune force légale, chacun et chacune y contrevenaient à qui mieux mieux. Aussi tel ou telle qu’on s’était flatté de tenir dans sa manche s’en débarrassait au plus vite, sans le moindre scrupule, et, en définitive, c’était toujours une autre paire de manches.