Lettre d’amour de Léon Bloy

Une lettre d’amour de Léon Bloy à sa fiancée

Je vous verrai peut – être aujourd’hui, ma chère Jeanne. Je veux vous écrire, pourtant, parce que j’ai le cœur saturé de tendresse et que j’ai besoin d’exprimer les choses merveilleuses qui se passent en moi.

Savez- vous ce qui m’est arrivé hier? Eh ! bien, je n’ai pas pu travailler un seul instant. En m’éveillant, ma première pensée a été pour vous, ma bien-aimée, qui m’ aviez rendu si profondément heureux quelques heures auparavant en me laissant voir si clairement votre amour, et ensuite, il ne m’a pas été possible d’avoir une autre pensée. Mon Dieu ! j’ai donc enfin la certitude d’aimer et d’être aimé véritablement ! Quelle joie immense ! J’en étais étouffé, suffoqué, je me sentais mourir de bonheur.

Incapable d’écrire ou de lire, de fixer mon attention sur un autre objet, tout ce que je pouvais faire, c’était de crier vers Dieu pour le remercier d’avoir eu pitié de ma pauvre âme en détresse. Je parcourais ma chambre dans une agitation extraordinaire, et parfois je me jetais sur mon lit versant des larmes, mais des larmes d’une douceur infinie, – les chères larmes d’autrefois, les saintes larmes de la joie vraie qui nous vient de Dieu et par lesquelles nos âmes sont sauvées et ressuscitées de la mort, quand la grâce nous est accordée de les répandre avec profusion.

Ne vous étonnez pas et ne vous effrayez pas non plus, mon cher amour, ma Jeanne bien-aimée, de cette folle journée que je vous raconte. Il faudrait plutôt vous en réjouir puisque c’est l’ histoire de la guérison d’un paralytique. ( . . . )

N’ est-ce pas une chose étrange? Je me sens devant vous, auprès de vous, mon cher amour, comme un tout petit enfant malade. Si Dieu voulait nous faire la grâce d’accomplir ce que nous désirons l’un et l’autre, ah ! je me réfugierais dans vos bras, dans votre coeur comme dans une citadelle. Vous protégeriez contre lui-même, contre ses propres pensées, cet homme qu’on prétend si fort, si dur, si terrible à ses ennemis et qui serait si faible en votre présence. Vous seriez, chère amie de mon âme, ma conscience et ma lumière, parce que, à travers vous, je verrais toujours mon Rédempteur et l’Esprit adorable de mon Dieu. ( . . .)

Je vous le dis en  » vérité », il faut absolument que notre demande nous soit accordée, car je sens au plus profond de mon âme et de mon esprit que j’ ai besoin de vous pour accomplir de grandes choses.

Chérie, ma Jeanne bien-aimée, je vous aime si tendrement, qu’il me semble que, si vous m’apparaissiez en ce moment, je m’évanouirais de bonheur.

A vous de toute mon âme

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