La bourse d’un amant est liée avec des feuilles de poireau

La bourse d’un amant est liée avec des feuilles de poireau.

C’est-à-dire qu’elle n’est pas liée, parce que les feuilles de poireau, qui se rompent aussitôt qu’on veut les nouer, ne peuvent servir de lien. — Ce proverbe, qui était usité chez les Grecs et chez les Latins et qui est cité dans les Soeposiaques de Plutarque (liv. I, quest. 5), s’emploie pour marquer la prodigalité des amants. Cette prodigalité, dont on pourrait citer des milliers d’exemples remarquables, ne s’est jamais manifestée par un trait plus charmant que celui qui a inspiré à J. Delille les vers suivants de son poëme de l’Imagination, chant iv :

Que j’aime ce mortel qui, dans sa douce ivresse,
Plein d’amour pour les lieux où jouit sa tendresse,
De ses doigts que paraient des anneaux précieux
Détache un diamant, le jette et dit : « Je veux
« Qu’un autre aime après moi cet asile que j’aime
« Et soit heureux aux lieux où je le fus moi-même. »
Cœur noble et délicat ! dis-moi quel diamant
Égale un trait si pur et vaut ton sentiment ?

C’est ainsi, dit-on, que le duc de Buckingham témoigna l’ivresse de son bonheur à l’endroit où l.i reine de France, Anne d’Autriche, venait de lui avouer qu’elle l’aimait. Ce trait fut reproduit, dans la suite, par milord Albermale, le même qui, voyant un soir mademoiselle Gaucher, sa maîtresse, occupée à regarder fixement une étoile, s’écria : « Ne la regardez pas tant, ma chère, je ne pourrais vous la  donner. »

Le sentiment qui respire dans ce mot, où le cœur s’est exprimé avec tant d’esprit et de délicatesse, se trouve sous une forme non moins naïve qu’ originale dans ces vers d’une ballade qui est insérée parmi les ballades de Villon, mais qui n’est pas de Villon :

Or elle a tort, car haine ne rancune,
One n’eut de moi, tant lui fus gracieux,
Que s’elle eust dit : •baille-moi de la lune,
J’eusse entrepris de monter jusqu’aux cieux.

Un barde gallois nommé Moke, qui florissait au treizième siècle, dit dans une pièce de vers où il loue l’excessive libéralité de je ne sais plus quel prince : « Si. je souhaitais que mon prince me fil cadeau de la lune, il me la donnerait certainement. »

J’ignore si la phrase de Moke a été l’origine ou l’application de cette locution proberbiale par laquelle on caractérise un homme galant et magnifique qui ne refuse rien aux désirs de la femme qu’il adore : // décrocherait la lune pour elle.

Goethe fait dire à Méphistophélès parlant de Fausl : « Un pareil fou amoureux vous tirerait en feu d’artifice le soleil, la lune et les étoiles, pour peu que cela put divertir sa belle. »

Un proverbe roman dit : Pauc ama qui non fui messios. « Peu aime qui ne fait dépenses.»

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