Aime comme si tu devais un jour haïr

Aime comme si tu devais un jour haïr.

Ce mot que Scipion regardait comme le plus odieux blasphème contre l’amitié, est attribué à Bias par Aristote, qui dit dans sa rhétorique : « L’amour et la haine sont sans vivacité dans le cœur des vieillards. Suivant le précepte de Bias, ils aiment comme s’ils devaient haïr un jour, ils haïssent comme s’ils devaient un jour aimer. » Cependant Cicéron (De Amicitia, xvi,) ne peut croire que la première partie de cette sentence appartienne à un homme aussi sage que Bias. La seconde, en effet, est seule digne de lui. Il est probable, comme le remarque le savant M. Jos. Vict. Leclerc, que le philosophe de Priène s’était contenté de dire : Haïssez comme si vous deviez aimer, et qu’on aura ajouté le reste pour former antithèse et pour appuyer une fausse maxime d’une grande autorité. Quoi qu’il en soit, cette maxime n’en est pas moins passée en proverbe, par une espèce de fatalité qui trop souvent fait retenir ce qui est mal et oublier ce qui est bien. Mais ce n’a pas été pourtant sans une forte opposition. Tous les auteurs qui ont écrit sur l’amitié se sont attachés à la combattre. Les deux meilleures réfutations qu’on en ait faites sont ce mot de César : « J’aime mieux périr une fois que de me défier toujours, » et ces vers de Gaillard que la Harpe a cités avec éloge dans son cours de littérature.

Ah ! périsse à jamais ce mot affreux d’un sage,
Ce mot, l’effroi du cœur et l’effroi de l’amour,
« Songez que voire ami peut vous trahir un jour ! »
Qu’il me trahisse, hélas ! sans que mon cœur l’offense,
Sans qu’une douloureuse et coupable prudence
Dans l’obscur avenir cherche un crime douteux…
S il cesse un jour d’aimer, qu’il sera malheureux !
S’il trahit nos serments, je dois aussi le plaindre,

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